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Les chamanes

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Message par Creevs Jeu 18 Jan - 4:28

Les Chamanes


Le terme « chamane » est dérivé d’un terme employé par les Toungouses, un peuple de la Sibérie. Le terme « chamanisme » désigne de façon générique la pratique des chamanes – qualifiée de « chamanique » – et un champ d’étude fort prolifique de la recherche anthropologique contemporaine. Le chamane reçoit généralement ses pouvoirs lors d’une initiation. La « transe » et les états altérés de conscience, presque partout associés à la pratique chamanique en Amérique du Sud, constituent le cadre essentiel dans lequel s’établit l’interaction du chamane avec les esprits ou les puissances qu’il s’incorpore, consulte, manipule, trompe, séduit, marie, pourchasse ou combat selon les circonstances. Les chamanes ne sont que très rarement responsables du traitement de toutes les maladies mais plutôt de maux biens spécifiques. Ils sont également, selon les sociétés, associés au contrôle des conditions atmosphériques, aux rapports avec les maîtres des animaux, au succès de la guerre, à la reconduction des âmes à leur lieu de repos, à la divination. Multiples rôles qui impliquent des interventions visant à rétablir l’ordre ou à anticiper un désordre potentiel.
...
LES COSMOLOGIES DU CHAMANISME ET DU SACRIFICE

Les sociétés amérindiennes contemporaines conçoivent l’Univers comme étant constitué de domaines distincts et complémentaires – céleste, terrestre, aquatique, chtonien – peuplés d’entités humaines et non-humaines qui s’influencent mutuellement en diverses circonstances. Ces domaines, les chamanes les fréquentent à volonté et y puisent un savoir et des pouvoirs qu’ils traduisent en paroles et en actes au nom des intérêts humains. Les participants ont présenté différentes conceptions de ces cosmologies en les situant au cœur d’une interprétation de la pratique chamanique et du sacrifice. Parmi les thèmes discutés par les participants, mentionnons l’ethno astronomie et les conceptions du corps humain. La prééminence du soleil, de la lune et de certaines constellations dans les cosmologies amérindiennes constitue un axe d’interprétation fort riche de certains objets ainsi que des pratiques sacrificielles, corporelles, architecturales et chamaniques. Ainsi, les Tupinamba du XVIe siècle désignaient par un même terme, Maïré, qui signifie « lune », le sacrifié et son bourreau. Dans le Mexique ancien, le cœur et le sang des sacrifiés étaient associés au mouvement des astres et à la fertilité.
Ou encore, le lien établi par les sociétés précolombiennes et plusieurs sociétés contemporaines entre les détenteurs du pouvoir terrestre et les astres solaire et lunaire.

Le corps humain, que les Amérindiens conçoivent comme un microcosme, constitue un autre champ d’analyse du chamanisme et du sacrifice humain. L’association métaphorique entre chamanisme et processus digestif permet d’interpréter plusieurs dimensions de la pratique en Amazonie, par exemple la cure par succion ou encore l’incorporation par le chamane de substances et d’esprits. L’analyse des peintures faciales des Jivaro nous ramène aux liens existant entre les vivants, les ancêtres et la fertilité alors que dans le Mexique ancien, les sacrifices humains réactualisaient le sacrifice initial des dieux. La chair consommée du sacrifié se transformait en celle des dieux. L’étude archéologique des traces de manipulations retrouvées sur les ossements humains enrichit notre compréhension des descriptions iconographiques et historiques du sacrifice humain.
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Message par Creevs Jeu 18 Jan - 4:35

LE CHAMANISME


Le chamanisme a d'abord été observé aux XVIIème et XVIIIème siècles en Asie centrale et septentrionale. Le mot chamane vient du toungounse et il n'est pas général à toute la Sibérie. On trouve des mots différents dans d'autres ethnies : ojun en yakoute, udayan en bouriate, Kam en turco-tatar. Le chamanisme est attesté dans une vaste aire géographique : Arctique, Amérique du Nord et du Sud, Indonésie, Océanie. L'Afrique est très peu touchée par ce phénomène.

L'étude du chamanisme a connu, au cours de ce siècle, plusieurs éclairages. On a voulu, par exemple, mettre le chamanisme en rapport avec certaines pathologies psychiques, notamment l'hystérie arctique. Aujourd'hui, ces conceptions sont rejetées. Eliade l'a envisagé comme un phénomène religieux; les ethnologues et anthropologues prennent également en compte ses implications sociales. On est passé d'une conception qui mettait au centre le chamane à une autre qui considère le chamanisme comme un phénomène plus global.

Ce n'est pas le lieu ici de parler du chamanisme de façon exhaustive. Nous n'allons nous intéresser qu'à deux aspects, celui de la bisexualité et celui de la divination.

La bisexualité rituelle des chamanes
La bisexualité rituelle existe dans différentes ethnies, liée au chamanisme.
James Georges Frazer, dans un appendice du Rameau d'Or consacré aux coutumes des habitants des îles Pelew, mentionne plusieurs cas de travestissements sexuels rituels et, parmi eux, celui des chamanes tchouktches :

Chez les Chukchees du nord-est de l'Asie, il y a pareillement des shamans ou hommes-médecine qui se rendent autant que possible semblables aux femmes et qui sont appelés à cette vocation, croit-on, par des esprits dans un rêve.
Cet appel vient d'ordinaire à l'époque de la première jeunesse où l'inspiration shamanique, comme on l'appelle, commence à se manifester. Mais cet appel est fort redouté par les jeunes adeptes et certains d'entre eux préfèrent la mort à l'obéissance. Il y a cependant différents stades ou degrés de transformation. Dans le premier stade, l'homme singe seulement la femme dans la façon d'arranger et de tresser ses cheveux. Dans le second, il revêt des vêtements féminins; dans le troisième, il adopte autant que possible les caractéristiques de l'autre sexe. Un jeune homme qui passe par cette dernière transformation abandonne toutes les occupations et toutes les manières des hommes. Il jette bien loin la carabine et la lance, le lasso du chasseur de rennes et le harpon du chasseur de phoques; et il prend à la place l'aiguille. Il apprend vite à s'en servir, parce que les esprits lui donnent leur aide. Sa prononciation même change pour devenir féminine. Son corps en même temps se modifie sinon dans son apparence extérieure, du moins dans ses facultés et ses forces. Il perd la force masculine, l'agilité des pieds, l'endurance dans la lutte et il prend au contraire la débilité et la faiblesse d'une femme. Son caractère même subit des changements. Son courage brutal, son esprit combatif disparaissent; il devient réservé et timide devant les étrangers, il aime à faire la conversation et à caresser de petits enfants. En un mot, il devient une femme avec l'apparence d'un homme et, comme telle, il est pris pour épouse par un autre homme, avec qui il vit régulièrement en ménage. On attribue des pouvoirs extraordinaires à ces shamans transformés. Ils sont censés jouir de la protection spéciale des esprits qui jouent à leur égard le rôle de maris surnaturels. Aussi sont-ils très redoutés, même par leurs collègues qui restent de simples hommes, ils excellent aussi dans toutes les branches de la magie, y compris le ventriloquisme.

Voilà en quels termes Frazer parle des chamanes. Il y a une transformation de l'homme qui peu à peu prend des caractéristiques féminines pour devenir finalement une femme, non seulement dans ses attitudes mais également dans une partie de ses fonctions : lien avec les enfants, travaux de couture, mariage. Frazer pense que ces travestissements n'ont pas forcément un rapport avec le matriarcat. Cependant le matriarcat favorise le développement des déesses et multiplie les chances de voir apparaître le travestissement sexuel chez les prêtres-hommes. Il ajoute que d'autres raisons ont pu conduire à ces transformations vestimentaires : elles peuvent avoir des vertus apotropaïques. Et de citer des exemples de mariages grecs : à Cos, le marié est habillé en femme alors qu'à Sparte la mariée avait la tête rasée et portait un manteau masculin. Lors de la nuit de noce. Pour la même occasion, les filles d'Argos mettaient une fausse barbe.

Mircea Eliade évoque les mêmes chamanes travestis; il parle aussi de la classe des chamanes tchouktches transformés en femmes. Il mentionne d'autres exemples de travestissement rituel dans le monde : chez les Kamchadales, les Esquimaux asiatiques et les Koryaks en Asie septentrionale, chez les Dayak en Indonésie, chez les Arapaho et les Araucan en Amérique du Sud. Chez les Dayak maritimes, il existe une classe spéciale de chamanes, les manang bali qui portent des vêtements féminins et pratiquent des travaux de femmes. Ils épousent parfois un homme malgré les moqueries dont le couple fait l'objet de la part de la communauté. Le travestissement est accepté à la suite d'un ordre surnaturel qu'on ne peut refuser sans courir à une mort certaine. Selon Frazer, les manang bali, dont le nom signifie homme-médecine changé, rend les mêmes services qu'un chamane ordinaire et pratique les mêmes méthodes; cependant, leurs honoraires sont plus élevés et ils interviennent quand les autres ont échoué. Il semble qu'autrefois tous les hommes-médecine des Dayak maritimes étaient habillés en femme; aujourd'hui, cela arrive très rarement, sauf dans le cas des manang bali. Chez les Ngadju-Dayak du sud de Bornéo, on trouve des prêtres-chamanes asexués, les basins,
qui se comportent et s'habillent comme des femmes. Eliade explique la transformation rituelle en femme chez les Tchoukches, par une idéologie dérivée du matriarcat archaïque. Cependant, à travers son œuvre, il donne une interprétation plus générale de ce phénomène. Eliade relève d'abord la fonction d'intermédiaire entre deux plans cosmiques (le Ciel et la Terre) du basin des Ngadju-Dayak. Cette médiation s'exprime par sa bisexualité, puisqu'il réunit en lui un élément féminin qui correspond à la Terre et un élément masculin, le Ciel. Il voit donc dans cette bisexualité une androgynie rituelle, formule archaïque de la coincidentia oppositorum. La divinité est la forme la plus pleine qui soit et pour exprimer cette plénitude, il est nécessaire de recourir à des figures paradoxales comme celle de l'androgyne : bien qu'une telle conception, dans laquelle tous les contraires coïncident (mieux : sont transcendés) constitue précisément une définition minimale de la divinité et montre à quel point celle-ci est absolument autre chose que l'homme, la "coincidentia oppositorum" n'en est pas moins devenu un modèle exemplaire pour certaines catégories d'hommes religieux ou pour certaines modalités de l'expérience religieuse. On peut citer, à côté des chamanes travestis, d'autres exemples : l'orgie qui symbolise la régression dans l'amorphe et l'indistinct, l'idéal du sage indien qui cherche à acquérir un état de neutralité où il n'éprouve ni plaisir, ni douleur. La bisexualité n'est qu'une des façons d'exprimer cette coincidentia oppositorum, peut-être la plus ancienne puisqu'elle constitue une métaphore biologique. Eliade insiste sur ce point en disant que La Femme dans un traité mythique ou rituel n'est jamais la femme, elle renvoie au principe cosmique qu'elle
incorpore.
M. Delcourt a bien montré que durant l'Antiquité, on se débarrassait des gens frappés d'androgynie physique. Les androgynes faisaient partie de la catégorie des terata, signes de la colère des dieux. Selon elle, il y a eu certainement en Grèce beaucoup d'enfants qui furent exposés, noyés ou brûlés parce que leur sexe était douteux à leur naissance ou parce qu'il avait paru changer au moment de la puberté. Il est important de montrer que dans ce discours sur la bisexualité, celle des chamanes ou celle de Tirésias, on se situe au niveau symbolique qui n'a rien à voir avec une réalité physiologique.
Eliade souligne que la bisexualité est très répandue dans les religions. En Grèce, de nombreux dieux ont des caractéristiques de l'un et de l'autre genre :
Dionysos, Héraclès, Athéna, Artémis, etc.... Chez les Germains, Odhin, Loki ont des rapports certains avec le travestissement sexuel, Nerthus, déesse chez Tacite, correspond à un dieu mâle dans la tradition scandinave. On pourrait multiplier les exemples. La bisexualité, en tant que symbole de la coincidentia oppositorum, ne se trouve pas seulement dans le mythe, mais également dans les rites. Les chamanes travestis en sont un exemple.
Eliade rapproche morphologiquement les rituels d'échange des vêtements et l'orgie, c'est-à-dire un état où les différences, les polarités sont abolies : l'homme éprouve périodiquement le besoin de recouvrer (ne fût-ce que l'espace d'un éclair) la condition de l'humanité parfaite, dans laquelle les sexes coexistaient comme ils coexistent, à côté de toutes les autres qualités et de tous les autres attributs, dans la divinité. L'homme qui portait des vêtements de femme ne devenait pas pour autant femme, comme il pourrait paraître à un regard superficiel, mais il réalisait pour un moment l'unité des sexes, un état qui lui facilitait la compréhension totale du cosmos.
Eliade est plus explicite sur l'exemple précis de la bisexualité chamanique dans Méphistophélès et l’androgyne. Le chamane, en Sibérie, cumule parfois les deux natures mâle et femelle : il porte des symboles féminins sur son costume, comme des seins métalliques, ou il tente d'imiter le comportement de la femme. Parfois il devient femme, en quelque sorte, allant jusqu'à prendre un époux. Comme le chamane réunit en lui les deux principes opposés de l'homme et de la femme, sa propre personne constitue une hiérogamie comme on en trouve dans les fêtes du Nouvel An à Babylone, et restaure ainsi l'unité cosmique de la Terre et du Ciel. Il assure la communication entre le monde des dieux et celui des hommes, mais cette fonction de médiateur semble découler de l'unité retrouvée. Le but de ce rituel est la transformation de l'homme, le dépassement de sa condition, l'accession à la réalité ultime qui, dans l'expérience quotidienne, ne peut s'exprimer que par des formes paradoxales. Retenons bien qu'Eliade insère la bisexualité, sous toutes ses formes, divine, mythique, rituelle, parmi les expressions possibles de la coincidentia oppositorum, au même titre que la lumière et les ténèbres, Dieu et le diable, etc... Et la lie à une possibilité de connaissance du monde plus pleine, plus vraie, à travers une unité originelle rétablie.
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Message par Creevs Jeu 18 Jan - 4:37

Les Enarées

Dans un domaine géographique et ethnique plus proche de la Grèce que la Sibérie, on trouve un parallèle intéressant et à Tirésias et aux chamanes. Les Scythes, peuple indo - européen, ont une classe de devins particulière que l'on connaît à travers plusieurs sources antiques. Voici ce qu'Hérodote en dit :

Lorsqu'en faisant retraite, ils sont parvenus à la ville syrienne d'Ascalon, la plupart des Scythes passèrent outre sans causer de dégât; mais quelques uns, restés en arrière, pillèrent le temple d'Aphrodite Ourania. Ce temple, d'après ce que mes informations me permettent de savoir, est le plus ancien de tous les temples élevés en l'honneur de la déesse (...). Ceux des Scythes qui pillèrent le temple d'Ascalon et leurs descendants à perpétuité furent frappés par la déesse d'une maladie de femme; le fait est que les Scythes expliquent leur maladie de cette façon, et que les voyageurs qui se rendent en Scythie peuvent constater par eux-mêmes leur état; les Scythes les appellent Enarées.

Dans sa description des mœurs scythes, Hérodote parle des devins :

Les Enarées, hommes-femmes, prétendent que le don divinatoire leur a été donné par Aphrodite; par le fait, ils pratiquent la divination en se servant d'écorce de tilleul; ils fendent en trois cette écorce, et c'est en entrelaçant les bandes sur leurs doigts et en défaisant l'entrelacement qu'ils rendent leurs oracles.

Hippocrate, dans son traité Des airs, des eaux et des lieux, traite d'une comparaison des peuples et des climats en Asie et en Europe. Il consacre un chapitre aux Enarées scythes :

Il faut ajouter qu'un très grand nombre de Scythes deviennent des sortes d'eunuques qui s'adonnent aux travaux de femmes et parlent comme elles. On les nomme Anariées. Les indigènes attribuent la cause de cette impuissance à une divinité, ils vénèrent cette espèce d'hommes et les adorent, chacun craignant pour soi une pareille affliction.

Dans la suite du texte, l'auteur du traité montre comment cette affection provient de la position assise continuelle qu'ont les hommes à cheval. Elle ne concerne que les plus nobles, ceux qui ont les moyens de pratiquer l'équitation. W.R.Halliday a montré que ces Enarés scythes ressemblaient aux chamanes bisexuels. Karl Meuli l'a suivi sur cette voie. Il compare les Enarées au chamane tchouktche. Il rapproche la déesse céleste, l'Aphrodite ouranienne des Scythes, d'une déesse assise tenant un miroir, représentée sur un plat en or des Kourganes.
L'existence du chamanisme scythe est indubitable, d'autant plus qu'à côté du comportement bisexuel des Enarées scythes, on repère d'autres traits appartenant aux coutumes des peuples à chamanes, comme le bain de vapeur et l'usage des narcotiques qui permettent d'atteindre l'extase. Ces pratiques, décrites dans le livre IV d'Hérodote, sont attestées en de nombreux endroits. Chez les Sioux Lakota, Wohpe, chamanesse mythique, a apporté aux hommes
le rituel de la sweatlodge ou bain de vapeur. Les Indiens Huicholes, au Mexique, consomment du peyotl ; les Indiens Pueblos, les Caddos, les Mohaves utilisent le datura et, en Sibérie, certains groupes connaissent l'amanite tuemouche.
On a déjà évoqué les possibilités d'influence des Scythes sur la Grèce et leur rôle éventuel dans l'importation ou la transformation de figures comme celle de Tirésias.

Orphée

Orphée, personnage mythique d'origine thrace, a des rapports intéressants avec le chamanisme, comme nous l'avons déjà vu. On peut aussi examiner ses liens éventuels avec l'androgynie. Un texte de Phanoclès, auteur dont nous ne savons par ailleurs rien, montre un Orphée homosexuel, amant de Calaïs et mis à mort par les femmes de Thrace parce qu'il méprisait leur amour. N.Hopkinson pense que ce thème pourrait être l'invention du poète et Ian Bremmer suit cet avis. Selon lui, la réputation d'homosexuel d'Orphée lui vient du fait que les femmes étaient exclues du sanctuaire de Leibethra, au pied du mont Olympe, où se trouvait sa (une de ses) tombe(s). Cette homosexualité récente ne saurait donc être assimilée à une androgynie rituelle.
Cependant le courant orphique utilisera le symbole de la bisexualité dans sa cosmogonie.

Les Sioux Lakota

Il existe, chez les Sioux Lakota, des Rêveurs de Deer Woman, un esprit, qui peuvent devenir des hommes - femmes ou winkte. Ceux-ci, en donnant au consultant un nom à caractère pornographique, ont le pouvoir de prolonger la vie humaine.

Les Inuit

Bernard Saladin d'Anglure s'est intéressé à la mythologie des Esquimaux et, à l'intérieur de cette mythologie, aux rapports qui sont définis entre l'homme et la femme. Sa démarche est importante car le chamanisme Inuit, essentiellement pratiqué par des hommes, entretient des liens importants avec le féminin. Ce phénomène se comprend bien quand il est replacé dans son contexte socio - culturel.
L'histoire du monde, selon les Esquimaux, est une suite d'épisodes basés sur l'antagonisme et la complémentarité des sexes. Socialement, la femme est complètement dominée par l'homme, comme l'indiquent de nombreuses pratiques : infanticide féminin, règle de résidence virilocale, emploi de la force envers l'épouse, polygynie, échange des épouses et grande liberté extramaritale de l'homme. Pourtant, la femme a joué un grand rôle dans les débuts de l'humanité, dont la mythologie garde la trace. Elle est à l'origine de certains gibiers importants, de l'invention de la mort qui permet d'éviter la surpopulation. Au fur et à mesure que le monde s'organisait, la femme perdait ses prérogatives, en étant asservie aux règles sociales de l'échange matrimonial telles que déterminée par les hommes. En outre, elle est soumise à de nombreuses restrictions dans ses déplacements, depuis l'époque de ses premières règles jusqu'à la ménopause. Ainsi la place de la femme dans la pensée Inuit est-elle paradoxale : par son asservissement à l'homme, elle donne à l'humanité plus d'autonomie. En prenant possession de la femme, l'homme maîtrise la terre et ses ressources.
Malgré l'asservissement complet de la femme dans la mentalité Inuit, il y a une complémentarité forte entre les deux sexes. Le chamane, angakkuq, est presque toujours un homme. Seules de vieilles femmes peuvent accéder à ce statut. Les séances chamaniques comportent de nombreux traits féminins. Elles renvoient toujours à des scènes de grossesse et d'accouchement : obscurité primordiale obtenue par l'extinction des feux, dénouage des ceintures et des lacets des spectateurs, posture accroupie qui imite celle de la parturiente, cris saccadés et haletés, etc... Le chamane utilise toujours la main gauche qui est le côté féminin par excellence.
Le chamane a, pour B.Saladin d'Anglure, une fonction de médiateur entre le monde visible et le monde invisible, entre les vivants et les morts, les hommes et les femmes. L'image de l'accouchement, omniprésente dans les séances, sert à faire sortir l'âme de son propre corps, à la conduire, à travers un passage étroit vers la lumière, la connaissance afin de réparer les désordres cosmiques, écologiques, sociaux et physiologiques provoqués par les humains. L'ordre s'établit et se maintient - l'ordre du monde ressemble plus à un équilibre instable - à travers l'antagonisme et la complémentarité des sexes.

Epoux d'esprit

Roberte Hamayon pose le problème de la bisexualité rituelle des chamanes sibériens à travers l'idée que se font du monde les sociétés de chasse. Elles ont une conception unifiée des divers domaines de relations (au sein de la société, avec la nature et avec la surnature) comme formant système sur le modèle matrimonial 30. Le cadre général est celui des échanges entre la société, la nature et la surnature. La femme, comme le gibier, sont des objets d'échange; l'homme est le preneur : preneur de gibier quand il chasse, preneur d'épouse quand il se marie. Cette équivalence assimile le gendre dans le groupe social et le chasseur dans la nature. Le domaine de prise du chamane est la surnature, ensemble des instances animant les êtres naturels ou, plus généralement, des instances symboliques liées à la nature. Le gibier a une
âme comme l'être humain et il existe un cycle d'échange des âmes dans lequel le chamane joue un rôle essentiel. Il est preneur d'épouse dans la surnature puisque le Seigneur des animaux lui donne sa fille en mariage et, par là, il devient son gendre. Il est également chasseur d'âme, cherchant à attirer le gibier sur sa tribu.
Dans ce cadre très généralement esquissé, l'apparence androgynique de certains chamanes reçoit une explication qui diffère de celle, plus classique, du cumul des sexes se rapportant à la fonction médiatique du chamane.
R.Hamayon évoque le cas des chamanes tchouktches qui se transforment en femmes et prennent un mari, les chamanes ouzbek qui s'habillent et se conduisent en femme lors des séances chamaniques, les chamanes yakoutes qui fixent sur leurs costumes des seins métalliques. Le costume androgynique est, selon elle, la seule voie d'expression du couple que forme le chamane et l'épouse qu'il a prise dans la surnature. Le cumul des sexes autrement que comme support de ce couple est incompatible avec la pensée des chasseurs sibériens : la virilité du gendre et du chasseur s'oppose à la féminité du sang menstruel, arme redoutable en même temps que substance dangereuse pour la chasse. La femme, à cause du danger potentiel qu'elle représente, est assimilée au gibier, réduite à un objet d'échange. Aussi le costume chamanique avec des attributs féminins, reste un costume d'homme et le costume féminin porté par un homme symbolise l'épouse surnaturelle.
La bisexualité du chamane est comprise ici dans une vision globale de la société et du monde33. Les rapports hommes - femmes sont décrits dans les mêmes termes que chez les Esquimaux. La femme est un objet d'échange, mais elle est nécessaire au point que le chamane, pour assurer son alliance avec le Seigneur des animaux, prend sa fille pour épouse. La notion de gendre, associé à celle de chasse et de virilité, ne peut se concevoir que par rapport à celle de
femme, d'épouse.
Les ethnologues, historiens des religions et anthropologues n'interprètent pas de la même façon la bisexualité. Pour J.G.Frazer, il s'agit d'une survivance d'un état matriarcal ou d'un comportement apotropaïque. Pour M. Eliade, on a affaire à une figure paradoxale chargée d'exprimer la plénitude du sacré et du divin. B. Saladin d'Anglure voit une relation faite de complémentarité et d'antagonisme, fondant l'ordre cosmique et social. R.Hamayon inscrit cette complémentarité des sexes dans un vaste cadre d'échanges entre la société, la nature et la surnature. Il ne suffit pas de constater que la bisexualité est présente dans les deux domaines que nous cherchons à comparer pour pouvoir affirmer que Tirésias est un chamane. D'une part, parce qu'elle n'est pas la seule composante du chamanisme et, d'autre part, parce qu'elle ne symbolise pas toujours la même chose. Il faut comprendre son fonctionnement. Il était utile d'observer de part et d'autre la bisexualité, car Marie Delcourt partait de cette notion pour faire de Tirésias un chamane.
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Message par Creevs Jeu 18 Jan - 4:40

La divination

La divination a une place importante dans le chamanisme. Les spécialistes de ce domaine se plaisent à en distinguer deux aspects. D'un côté, le chamane yakoute reçoit au cours de son initiation le don de voyance, qui ne se manifeste qu'au cours de la séance chamanique; de l'autre, le feu des yeux lui permet de voir très loin, jusqu'à 30 verstes. Voir à plus de trente verstes est une formule traditionnelle en Sibérie pour exprimer la clairvoyance. Un chamane doué de clairvoyance peut être repéré de loin par un autre chamane ou constituer un danger mortel pour un profane. Ce don lui permet de trouver le gibier dans la surnature ou bien de retrouver un objet perdu, de déterminer quel esprit a capturé une âme. Ajoutons que le chamane esquimau détient ses pouvoirs grâce à une expérience mystique appelée qaumanek. Il s'agit d'une lumière mystérieuse que le chaman sent soudainement dans son corps, à l'intérieur de sa tête, au cœur même du cerveau, un inexplicable phare, un feu lumineux qui le rend capable de voir des choses et des événements futurs cachés aux autres humains; il peut de la sorte connaître aussi bien l'avenir que les secrets des autres 36. Lorsqu'il la ressent pour la première fois, le candidat chamane a l'impression que c'est comme si la cabane dans laquelle il se trouve s'élevait tout à coup; il voit bien loin devant lui, à travers les montagnes, exactement comme si la terre était une grande plaine, et ses yeux touchent aux confins de la terre. Rien n'est plus caché devant lui. Non seulement il est à même de voir très loin, mais il peut également découvrir les âmes volées, qu'elles soient gardées, cachées dans d'étranges régions lointaines, ou qu'elles aient été emportées en haut ou en bas dans les pays des morts. Le chamane a aussi la faculté de comprendre le langage des animaux.
La séance chamanique, ou kamlenie, se déroule sous le signe de l'extra lucidité, l'obscurité règne dans la tente. Le chamane a les yeux fermés ou, parfois même, porte un bandeau de métal laissant tomber sur le visage un morceau de tissu qui symbolise la cécité du chamane aux choses de ce monde. Ainsi il pénètre mieux dans l'autre monde. Cette faculté sert à guérir les maladies causées par un esprit ou le vol de l'âme, à conduire les âmes des morts dans l'au-delà.
La divination proprement dite n'est pas seulement une activité annexe dans la séance. Elle se pratique par la manipulation d'objets. Le chamane augurera de l'issue de la maladie en lançant en l'air le battoir de son tambour.
Celui-ci doit retomber du côté heureux, c'est-à-dire sur la face convexe. Ce mode de divination à pile ou face peut être effectué à partir d'autres objets : cuiller, bol, etc..., qui ont un bon et un mauvais côté. L'objet est lancé et, en cas d'échec, de réponse négative, le procédé est recommencé jusqu'au moment où on obtient une réponse favorable. L'objectif n'est pas de connaître mais de faire être, de faire devenir favorable le futur, trouvable le caché, manipulable
l'inconnu. Dans son jeu sur l'aléatoire, ce type de divination consiste à influer sur cet aléatoire et non de s'en remettre à lui; si la disposition du support matériel est toujours tenue pour l'expression de la décision des esprits, celle-ci est censée leur être imposée par le chamane, alors que, dans d'autres formes divinatoires, elle s'impose en tant que telle au devin, chargé de la faire connaître mais non responsable de son contenu. La divination chamanique fait donc partie de la gestion de l'aléatoire, en même temps que la négociation des âmes avec le Seigneur des animaux. Elle constitue un moyen d'action et non la révélation d'un ordre préétabli comme dans le monde grec. Ce qui peut rapprocher le chamane de Tirésias est moins son mode divinatoire que son rapport au désordre. Le chamane manipule le destin, l'arrange à son avantage ou à celui de son groupe. Tirésias révèle le désordre, la confusion qui existe, par exemple, entre les générations ou bien entre les morts laissés à la surface de la terre et les vivants enterrés dans ses entrailles. Il a pour mission d'indiquer ces désordres mais il ne peut agir sur les arrêts du destin et la punition divine. Les conceptions grecque et chamanique du monde et du destin sont opposées sur ce point. Mais il est intéressant de remarquer que là où on a un univers qui n'a pas vraiment été créé, qui est sans cesse soumis au hasard, on développe une façon de gérer l'aléatoire alors que là où on a une cosmogonie qui met en place chaque élément et donne une ordonnance au monde, on cherche à indiquer le désordre qui se rapproche du chaos et constitue un danger pour la création. L'aléatoire des ressources est propre aux sociétés de chasseurs-cueilleurs qui développent une idéologique de type chamanique. Dans des sociétés plus complexes, l'aléatoire fait place à la tension entre l'ordre établi et le désordre qui risque de s'y immiscer à tout moment. Le chamanisme ne se maintient pas comme idéologie centrale dans de telles sociétés, mais devient une pratique marginalisée qui s'occupe encore de l'aléatoire là où il se trouve: amour, travail, fortune, etc... Il y a donc une certaine équivalence dans les fonctions du chamane et de Tirésias, les différences étant dues aux idéologies dans lesquelles ils évoluent.
La cécité du chamane est intéressante. Elle n'a pas un rôle divinatoire mais, en lui enlevant la vision commune, elle lui permet de travailler dans l'autre monde. Il s'unit à un esprit auxiliaire et opère une fusion avec lui, devient un être ambigu, mi-homme mi-esprit, une hiérophanie, dirait Eliade. Celle de Tirésias est aussi liée à ses contacts avec les puissances redoutables que constituent les dieux, Zeus et Héra ou Athéna. C'est en les voyants où en leur donnant une réponse qui ne correspond pas à leur attente que Tirésias est aveuglé. Le don de divination suit dans un second temps. On peut découper le phénomène de la façon suivante : la cécité fait de Tirésias un être qui a accès à un autre monde, et qui par là, acquiert une connaissance d'une nature particulière. Le don de divination constitue une transmission de son savoir atemporel, révélant à la fois le passé, le futur et le présent. Ses prophéties sont en quelque sorte la sécularisation de ses connaissances.
On constate une distinction identique chez un voyant contemporain dont le cas a été étudié par une équipe d'anthropologues et de psychologues. Georges de Bellerive, le voyant en question, a deux modes de connaissance:
une connaissance affective et sensitive qu'il obtient en entrant en contact avec le consultant, à travers une transe, et une connaissance logique, analytique qui lui permet de communiquer ses visions.

En conclusion, on peut dire que ce point rapproche les chamanes de Tirésias. La cécité et la clairvoyance sont distinguées et liées dans les deux cas. La divination, présente aussi dans les deux domaines de comparaison, s'exerce cependant selon des orientations différentes qui dépendent des visions du monde. Il reste à voir maintenant les liens qui peuvent exister entre la bisexualité et la sphère de la divination et de la clairvoyance, puisque les deux types de personnages que nous étudions cumulent ces caractéristiques.
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